7-2: Le chat est une particule 3




De quelque manière qu’on tourne le truc, on finit toujours par y arriver. Ici. Maintenant. Quoi qu’on fasse. A ce moment précis : où il faut expliquer la différence entre les physiciens quantiques orthodoxes et les physiciens quantiques hétérodoxes.

Mais pour ça on a besoin du chat.

Vous voyez de quel chat je parle. Le chat dans une boîte. L’expérience du chat.

L’affaire est connue. Qui, d’ailleurs, (se rêvant physicien quantique), n’a pas tenté de réaliser cette expérience dans ses jeunes années ?

C’est en plus une expérience très simple.

N’importe qui peut s’y essayer. Avec peu de moyens.

Mis à part vous. Vu que vous êtes mort.

Car une fois mort on a plus d’argent pour acheter du matériel ni de facultés préhensiles pour mettre en place le matériel alors autant ne pas vous le cacher plus longtemps : les petites expériences scientifiques d’amateur à la maison le dimanche, c’est fini pour vous. Comme le reste. La froideur délicieuse d’une glace vanille-chocolat-chantilly contre vos gencives par une fin superbe d’après-midi d’été ? Ça aussi c’est fini.

Mais nous les vivants rien ne nous empêche de refaire l’expérience pour les besoins de la démonstration.

Tout ce qu’il faut, c’est un chat.

Et une boîte.

Et un dispositif létal foudroyant (à base d’acide ou de dynamite) qui a cinquante % de chances, tout pile, pas un % de plus ni de moins, de se déclencher au bout de mettons trois minutes. (La plupart des dispositifs létaux vendus dans le commerce ont une minuterie réglable, si on n’a pas la patience d’attendre trois minutes on peut la mettre sur une minute, si c’est pas assez long parce qu’on aime bien faire durer le plaisir on peut mettre plus).

On met le chat dans la boîte. C’est une boîte résistante, bien fermée, le chat est prisonnier.

Et on règle la minuterie du dispositif sur trois (là on dit trois minutes mais en vrai on fait comme on veut). On surveille sa montre.

Quand trois minutes sont passées, le dispositif a dû se déclencher ou ne pas se déclencher. De l’extérieur on ne saura pas. Le dispositif létal a été conçu pour être le plus silencieux possible et la boîte on l’aura choisie opaque et insonorisée de façon qu’elle ne laisse rien paraître de ce qui peut se passer en elle. 

Alors on attend encore trois minutes.
  
Et pendant ces trois dernières minutes-là le chat va se trouver dans un état de superposition quantique.

On peut même attendre plus longtemps.

Tant qu’on n’ouvre pas la boîte et qu’on ne sait pas ce qui s’est passé à l’intérieur le chat restera superposé.

Puis on ouvre la boîte. Soit le chat est dans la boîte, il va bien, il a eu un peu peur mais là ça va, il ronronne, il veut bien des croquettes pour se remettre de ses émotions.

Soit il n’y a plus rien dans la boîte.